Les troupes russes ont pris pied aux environs de Kiev et font face à une solide résistance au troisième jour de l’opération militaire lancée par le président Vladimir Poutine le 24 février. Voici un point de la situation, bâti à partir des déclarations des deux parties et d’éléments de source militaires ou de renseignement occidentales.
– Sur le front –
Les forces russes ont pénétré en profondeur en Ukraine depuis le Nord, l’Est et le Sud, mais se heurtent à la résistance de l’armée ukrainienne, dont l’intensité a probablement surpris Moscou, selon plusieurs sources occidentales.
« Les opérations russes ont progressé. Mais l’Ukraine a toujours le contrôle des villes clefs », selon une source occidentale, sous couvert d’anonymat.
Selon elle, l’armée ukrainienne fait preuve d’une « grande résistance » dans ces endroits, faisant du coup craindre l’usage « indiscriminé » de la force par la Russie si cette situation se prolongeait trop longtemps.
L’armée ukrainienne affirme que les Russes ont lancé un assaut sur l’avenue de la Victoire, conduisant au centre de Kiev, mais qu’il a été « repoussé ».
Pour l’instant la Russie n’a pas pris le contrôle total d’une ville ukrainienne bien que ses forces se soient lancées sur Kiev et sur Kharkiv, non loin de la frontière russe.
Moscou a revendiqué le contrôle de certains centres urbains comme Melitopol et Kherson, au Nord de la Crimée annexée, sans que cela soit confirmé par des sources occidentales.
Un responsable militaire américain a affirmé vendredi à la presse que l’élan russe marquait le pas depuis 24 heures, notamment autour de Kiev.
« Ils n’ont pas obtenu les résultats que nous pensons qu’ils anticipaient », a-t-il dit.
– Bilans et propagande –
Les versions de chaque camp sur les pertes divergent radicalement et les sources occidentales mettent en garde contre les probables tentatives de désinformation.
Le ministre ukrainien de la Défense a dit que 2.800 soldats russes ont été tués, sans fournir d’éléments matériels. Le ministère de la Santé a de son côté dit samedi que 198 civils sont morts, dont trois enfants.
Moscou n’a pas fourni de chiffres de pertes.
« Sur l’évaluation des pertes, nous n’avons pas de chiffres. Il faut se méfier des chiffres qui vont être annoncés de part et d’autre parce que ça va faire partie du volet guerre de l’information de ce conflit », selon l’état-major français.
Sur le sort de la ville de Melitopol, par exemple, « les informations sont contradictoires. L’agence russe annonce que les armées russes ont pris la ville. Les Ukrainiens démentent, ainsi que les Britanniques. Je pense qu’il va falloir attendre un peu. Nous sommes typiquement dans un conflit où le volet informationnel va être un champ d’affrontement particulièrement important ».
Ce qu’il s’est passé sur l’île aux Serpents, en mer Noire, est au autre exemple d’informations contradictoires. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué l’héroïsme de treize gardes frontières qui auraient été tués après avoir lancé à un bâtiment militaire russe d’aller « se faire foutre » plutôt que de se rendre.
Moscou a toutefois affirmé que plus de 80 militaires ukrainiens s’étaient rendus sur cette île.
Déclarations contradictoires également sur l’origine du projectile qui a frappé un immeuble d’habitation du centre-ville de Kiev. Les autorités ukrainienne affirment que c’est un missile russe, preuve selon eux que Moscou ciblait délibérément des civils, tandis que la Russie dément, affirmant qu’il s’agit d’un système de défense ukrainien anti-missile qui a mal fonctionné.
– Prochaines étapes ? –
Les sources occidentales anticipent plusieurs jours de combat acharné pour le contrôle de Kiev, où la vie du président Zelensky est en jeu.
« Les combats pour la prise de Kiev risquent d’être assez longs, destructeurs et meurtriers. (…) Compte tenu de la taille de Kiev et de l’organisation de la ville, le fait que des immeubles soient frappés semble quasi inéluctable », selon l’état-major français.
Au delà du sort de la capitale, « cela pousse du Nord au Sud en passant par Kiev. Ce qui semble possible, c’est que les Russes cherchent à couper le pays en deux en coupant les points de passage sur le Dniepr », le fleuve qui divise l’Ukraine, estime-il encore. Ils pourront ainsi « isoler la partie de l’armée ukrainienne stationnée dans le Donbas » séparatiste, et « ensuite éventuellement prendre l’ouest du pays ».
La ville de Lviv, dans l’Ouest du pays, où se sont réfugiés des habitants de Kiev et des diplomates, semble pour l’instant plutôt sûre. Dans le Sud, les Russes continuent de pousser pour le contrôle de Kherson, mais élargissent aussi le front pour menacer Marioupol.
Les Russes ont aussi cherché à prendre le contrôle de la centrale hydroélectrique de Kakhovka sur le Dniepr au Nord de la Crimée, notamment en lançant des cyberattaques, selon la source américaine.
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